Qu’est-ce que la sylviculture irrégulière ? Principes, mise en oeuvre, et actions du CNPF et de ses partenaires en la matière.
Photo en bandeau : Futaie irrégulière à gros bois dominant, Signy-L'Abbaye - Sylvain Gaudin © CNPF
Qu’est-ce que la sylviculture irrégulière ?
Cette sylviculture, appelée aussi « traitement irrégulier » ou « Sylviculture mélangée à couvert continu » (SMCC) se caractérise par les objectifs principaux suivants :
- garder un couvert arboré permanent du peuplement forestier (pas de phase de coupe rase ou de coupe de régénération mettant en pleine lumière le sol) ;
- favoriser la diversité dans le peuplement pour améliorer sa résilience face aux aléas, ainsi que la biodiversité (maintien de gros bois mort sur pied, de bois mort au sol, etc.) ;
- produire du bois de qualité et améliorer la performance économique de son peuplement.
L’action du sylviculteur, par des prélèvements de bois finement ajustés, amène à obtenir dans le peuplement un volume de bois sur pied (capital) compatible avec le développement en sous-étage de la régénération naturelle. C’est le fameux « état d’équilibre » avec un éclairement lumineux diffus dans le peuplement, favorable à la fois à une production de bois optimisée, et à la régénération du peuplement sous lui-même.
Peuplement ou traitement irrégulier ?
Il est nécessaire de distinguer les notions de « sylviculture irrégulière » et de « peuplement irrégulier » : dans un peuplement irrégulier, des arbres de différents âges et dimensions coexistent sur une même parcelle.
Pour autant, les principes du traitement irrégulier peuvent être appliqués à des peuplements qui ne présentent pas encore une telle structure, des peuplements régulier par exemple. On parle alors de conversion en irrégulier.
Les peuplements initialement réguliers évoluent lentement dans leur structure. Certains peuvent rester en conversion plusieurs décennies avant de présenter un faciès irrégulier. Les interventions doivent rester légères et ne pas chercher une irrégularisation rapide à tout prix, au risque de déstabiliser le peuplement et de faire des sacrifices d’exploitabilité.

Comment mettre en œuvre la sylviculture irrégulière ?
La sylviculture irrégulière est une gestion dynamique nécessitant des interventions légères et fréquentes : tous les 4 à 10 ans selon les essences et le peuplement, pour moins de 15 à 20% de prélèvement du capital en général. Cela ne veut pas dire ne rien faire ou réaliser les éclaircies avec du retard ! L'objectif est avant tout d’améliorer progressivement la qualité du peuplement.
Les coupes de bois en traitement irrégulier (appelées coupes jardinatoires -il n'y pas de coupe rase, le couvert boisé est permanent) combinent les actions suivantes :
- prélèvements de bois de piètre qualité au profit des plus beaux sujets = amélioration des arbres d’avenir ;
- récolte de bois arrivés à maturité ;
- prélèvements au profit de la régénération naturelle installée, et ayant besoin de lumière pour se développer et occuper un espace « utile ».
Les travaux sylvicoles sont réalisés régulièrement, généralement à mi-rotation entre deux coupes, si nécessaire uniquement, au profit de la régénération naturelle (dégagements) et des arbres d’avenir (élagage…).
Des garde-fous sont parfois nécessaires, comme pour certains peuplements réguliers matures : notamment concernant leur vulnérabilité potentielle, et la facilité ou non d’assurer un renouvellement suffisant et résilient du peuplement à moyen terme, face aux évolutions climatiques rapides.
Voici un document « La futaie irrégulière : diagnostic et gestions envisagées » qui reprend ces principes de façon plus détaillée.
Ces explications restent très générales. Pour connaître les itinéraires techniques réellement possibles dans votre région, et les règles particulières qui peuvent s'y appliquer localement, référez-vous au schéma régional de gestion sylvicole (SRGS).
Pour les propriétaires forestiers intéressés par cette sylviculture, et désireux de s'informer ou de se former, le CNPF propose des brochures et des fiches techniques détaillées, des journées d'information sur le terrain, et des cycles de formation à la gestion forestière.
Vous trouverez toutes les informations utiles auprès de chaque délégation régionale du CNPF et sur leur site Internet. N'hésitez pas également à prendre contact avec le personnel technique de votre secteur.

Suivis de peuplements forestiers traités en irrégulier
Les différentes délégations du CNPF et l’IDF ont mis en place un certain nombre de placettes et d'inventaires de peuplements gérés en irréguliers, afin d’obtenir des références sur cette gestion dans divers types de peuplements. Ces suivis permettent notamment d'étudier les niveaux d’accroissements des arbres dans le contexte forestier local pour certaines essences.
Bon nombre de ces sites servent à vulgariser ces techniques auprès des propriétaires, en montrant des exemples de peuplements traités en irrégulier, en ayant la connaissance fine des interventions y ayant eu lieu.
Les agents du CNPF accompagnent par ailleurs fréquemment les gestionnaires du réseau AFI (Association Futaie Irrégulière) dans les campagnes régulières de mesure des placettes de leur propre réseau.

Les marteloscopes
Les délégations du CNPF et l’IDF installent des marteloscopes, permettant de former au marquage en traitement irrégulier.
Venant du mot « marteler » et de « scope » (pour "observer"), c’est un dispositif permettant de simuler le marquage de coupe et ses effets grâce à l’identification par numérotation de tous les arbres de la parcelle du dispositif et à la connaissance de leurs dimensions (et de leur qualité notée sur 9 m de hauteur).
Vous trouverez ci-après quelques synthèses à consulter au sujet de ces dispositifs.

Les études et travaux de l'IDF et des délégations régionales du CNPF en matière de sylviculture irrégulière font l'objet d'articles et de dossiers dans Forêt & innovation, anciennement Forêt-entreprise, la revue technique des forestiers.
Les principaux partenaires du CNPF sur le traitement irrégulier
L’Association futaie irrégulière (AFI) étudie depuis 1991 ce mode de gestion. Elle a mis en place un réseau de parcelles de référence, suivies chacune sur les aspects dendrométrique, économique, et écologique. L’ensemble des résultats est destiné aux gestionnaires forestiers et aux propriétaires avertis, pour leur permettre d'approfondir leurs connaissances sur ce traitement.
Pro Silva est un réseau de forestiers (propriétaires, gestionnaires, professionnels et amis de la forêt), réunis pour promouvoir une "sylviculture mélangée à couvert continu", basée sur le traitement irrégulier, et respectueuse des processus naturels des écosystèmes forestiers. L’association anime de nombreuses réunions et formations sur cette thématique.
L’Office National des Forêts (ONF), l'établissement gestionnaire des forêts publiques, prône une approche diversifiée de la gestion forestière.
L'ONF et le CNPF mènent des projets conjoints en matière de sylviculture irrégulière dans plusieurs régions.